En octobre 2011, Sylvie Benda a passé trois semaines au Pérou et en Colombie pour visiter nos centres. Voici son rapport concernant Micaela Bastidas et La Libertad.
NB : N'hésitez pas à consulter les albums photos, nous avons rajouté un album avec les photos de Sylvie : Pérou oct. 2011
Extrait du compte rendu de Sylvie BENDA
Notre séjour au Pérou du 20 au 30 octobre
Il y a toujours le problème de l'aide alimentaire d'Etat, toujours ceux de l'euro qui baisse et des prix qui montent. A part çà, nos centres marchent bien …
A Michaela Bastidas, nous avons retrouvé avec plaisir l'équipe de l'an dernier, Gladys, Sylvia et Kriss aidées de Liz, une jeune mère de famille qu quartier.
Valéria et Pilar officient toujours à la cuisine. July, fille de Valéria termine sa deuxième année d'université, ce qui remplit Valéria de fierté. Sur la grille d'entrée sont affichés les noms des mères de famille qui, tour à tour, viennent aider les cuisinières et assurer l'entretien du centre.
Chose bien nécessaire : ce sont plus de 95 enfants qui fréquentent notre Micaela. Ils sont répartis en trois groupes : le 25 octobre, jour de notre deuxième visite, le groupe bleu des 5 ans comptait 38 enfants, le groupe jaune des 4 ans, 31 et le groupe rouge des 3 ans, 26. Chaque groupe a un programme adapté à son âge, affiché à l'entrée de la classe.
Dans le patio trônent de multiples jeux d'extérieurs donnés par une ONG. Ils font la joie des enfants : tourniquet, trompoline, toboggan... Le sol du patio, très dégradé l'an passé, a été refait.
Le soja au secours
L'aide gouvernementale en aliments secs (PRONAA) n'est plus versée aux centres du nord financés par l'OICN, mais seulement aux centres du sud-est qui, par solidarité, reversent une partie de leur aide à ceux du nord. Cette aide est complétée par le plan « Pan Soy », ce qui fait qu'un certain nombre de repas comportent du soja au menu, soit sous forme de lait au petit déjeuner, soit sous forme de dessert, soit encore sous forme de hamburgers.
Ce sont les cuisinières du centre de Luya (centre du sud-est) qui s'occupent de transformer le soja, livré en grains. Elles en font du lait et de la pâte de soja à l'aide de machines mises à disposition par la municipalité de Lima. Dans les centres, les cuisinières peuvent agrémenter cette base avec des jus de fruits ou de chocolat par exemple. Tout en réservant une partie pour les enfants du centre, elles vendent le reste à la population d'alentour, ce qui permet de racheter du soja (non transgénique) pour recommencer le processus.
Grâce à tout ceci et à l'augmentation de nos envois mensuels, les enfants peuvent bénéficier d'un repas quotidien à peu près complet. Néammoins, les difficultés financières de l'association Gabriela Mistral sont réelles, d'autant plus que l'euro a baissé par rapport au dollar et donc par rapport au sol, la monnaie locale, et ceci encore pendant notre séjour.
A La Libertad, on distribue des titres de propriété
A La Libertad, le village le plus déshérité, difficile d'accès, notre centre a retrouvé son dynamisme. Il est le plus petit des trois puisqu'il n'a que deux salles de classe, mais 45 enfants y sont inscrits. Les plus grands, 18 de 4 à 5 ans, sont sous la houlette de Miriam, qui enseignait l'an passé à Luya. Les petits, 18 de 3 ans, sont avec la fidèle Deysi, toujours aussi gentille et accueillante. L'après-midi viennent 9 enfants du primaire. Ils viennent profiter d'un repas et d'un soutien scolaire. Les deux enfants de Deysi, âgés respectivement de 10 et 14 ans, apportent une aide efficace, soit le matin, soit l'après-midi, en fonction de leurs horaires scolaires. Leucrecia, souriante et impavide, règne toujours dans la petite cuisine du centre, aidée à la vaisselle ou à la « pluche » par une mère de famille, ou à l'heure du repas, par sa fille de 17 ans. Un enfant de 8 à 9 ans, retardé mental, fréquente assidûment le centre pour bénéficier d'un repas quotidien tout en participant aux activités des plus petits.
Même si la piste qui mène à La Libertad est toujours aussi défoncée et poussiéreuse, le confort du village s'améliore quelque peu. Les habitants peuvent moyennant finance évidemment, avoir l'électricité et l'eau courante. Quelques boutiques, dont une boulangerie, se sont ouvertes, et quelques arbustes ainsi qu'une pelouse ont réussi à coloniser la petite place centrale, formant un coin de verdure au milieu de la grisaille générale.
Le « comedor » populaire que nous avons construit fonctionne toujours de façon autonome avec une vingtaine de femmes du village.
Un grand jour pour les habitants de La Libertad
Le jour de notre départ, comme Diana était partie pour Saint Domingue avec Rosa Villaran pour témoigner des bienfaits possibles l à-bas d'un « Plan Soja », nous sommes montées à la La Libertad pour assister à la remise des titres de propriétés aux plus anciens du village. A cette occasion, nous représentions l'association Gabriela Mistral.
Rien ne manquait à la cérémonie : rues pavoisées, distribution de petits drapeaux péruviens en papier à la population ainsi que de petites brochettes de porc ou de mouton avec pommes de terre et maïs, fonflons d'une fanfare locale, discours officiels du dirigeant du village et de la représentante de la Maire de Lima, historique du village par son premier habitant, salut aux couleurs etc...
Le moment le plus émouvant fut la signature et la remise des titres de propriété aux 83 familles les plus anciennes : Leucrecia, installée à « Vallée Tropicale » devenue par la suite « La Libertad », depuis 15 ans et Deysi, présente depuis 11 ans, en faisaient partie. Nous avons bien sûr immortalisé ce grand moment par des photos.
Portrait de Nancy
Nancy est née, il y a une bonne trentaine d'années, dans une famille très pauvre de Huascar, quartier très défavorisé et populeux situé au sud-est de Lima. Elle, sa soeur aînée et les 4 autres enfants qui ont suivi, ont tout naturellement été inscrits dans le jardin d'enfants « Kululi » que l'association Gabriela Mistral venait de fonder à Huascar grâce à l'aide d'Enfance et Partage de Haute Picardie.
Après une scolarité studieuse, elle a passé sont diplôme d'institutrice de maternelle et a été rapidement recrutée par Diana pour enseigner dans le centre de Micaela Bastidas que celle-ci venait de créer sous l'impulsion de l'OICN et que « Pour Qu'ils Vivent » finance donc avec « Enfants de Notre Tendresse ». Bien que ce centre soit implanté dans le Nord de Lima à environ 2 heures de bus matin et soir de Huascar, Nancy y était très attachée et y est restée 10 ans. Diana l'avait même nommée responsable des 3 centres du Nord. Plus tard, Dina lui a trouvé un poste dans une petite école maternelle à une seule classe de Lima.
Entre temps, Nancy avait épousé un jeune homme issu aussi du centre de Kukuli, et avait donné naissance à une petite Valentina. Ils avaient construit leur maison dans une rue voisine de celle de ses parents.
Tout en travaillant, son mari poursuit des études d'architecte. Désireux que leur fille puisse effectuer des études dans les meilleures conditions, ils ont déménagé dans un quartier de Lima plus central, à côté d'un collège de bon niveau. Conscients de ce que l'anglais est un atout majeur, ils vont inscrire leur fille à un cours de conversation anglaise, eux-mêmes n'étant pas capables de dialoguer avec elle en cette langue.
Nancy a un hobby, la course à pied, elle s'entraîne 3 fois par semaine et a déjà été sélectionnée pour le marathon d'Argentine où elle s'est classée dans un rang tout à fait honorable.
Désormais, son rêve est de venir visiter la France. Sa règle d'or est la ténacité et la rigueur.
Bon vent à Nancy et à sa famille.
L'histoire de Nancy me servira de conclusion elle démontre bien que tout ce que Vous et Nous faisons n'est pas vain. Grâce à la nourriture et à l'éveil qu'ils ont reçus dans leur petite enfance en dépit de la misère de leurs parents et de la carence de leurs gouvernements, bon nombre d'enfants ont réussi à s'en sortir. C'est le cas au Pérou de Nancy et de 4 de ses frères et soeurs, de July entrée à l'université, de Pepito devenu ingénieur ; c'est le cas en Colombie de Maritza la Divina qui termine sa 2ème année d'université, de David qui vient d'avoir son bac et a été sacré meilleur élève de toute la ville de Bogota, d'Esméralda, fruit du viol de sa mère par la guérilla colombienne et qui va passer son bac l'année prochaine et de bien d'autres encore... Ils et elles sont la récompense et la fierté de nos responsables qui les ont accueillis et dirigés ; ils et elles sont notre fierté à nous aussi, même si ce n'est malheureusement qu'une goutte d'eau dans des rivières immenses.
Sylvie BENDA
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